Je saluai, et laissant le commandant aux soins de son appareillage, je me fis conduire à la cabine qui m’était destinée.L’Abraham-Lincoln avait été parfaitement choisi et aménagé pour sa destination nouvelle. C’était une frégate de grande marche, munie d’appareils surchauffeurs, qui permettaient de porter à sept atmosphères la tension de sa vapeur. Sous cette pression, l’Abraham-Lincoln atteignait une vitesse moyenne de dix-huit milles et trois dixièmes à l’heure, vitesse considérable, mais cependant insuffisante pour lutter avec le gigantesque cétacé.Les aménagements intérieurs de la frégate répondaient à ses qualités nautiques. Je fus très-satisfait de ma cabine, située à l’arrière, qui s’ouvrait sur le carré des officiers.« Nous serons bien ici, dis-je à Conseil.— Aussi bien, n’en déplaise à monsieur, répondit Conseil, qu’un bernard-l’hermite dans la coquille d’un buccin. »Je laissai Conseil arrimer convenablement nos malles, et je remontai sur le pont afin de suivre les préparatifs de l’appareillage.À ce moment, le commandant Farragut faisait larguer les dernières amarres qui retenaient l’Abraham-Lincoln à la pier de Brooklyn. Ainsi donc, un quart d’heure de retard, moins même, et la frégate partait sans moi, et je manquais cette expédition extraordinaire, surnaturelle, invraisemblable, dont le récit véridique pourra bien trouver cependant quelques incrédules.Mais le commandant Farragut ne voulait perdre ni un jour, ni une heure pour rallier les mers dans lesquelles l’animal venait d’être signalé. Il fit venir son ingénieur.