Au pied des marches, El Cid releva la tête et contempla le Sanctuaire dans la nuit. Quelques lumières indiquaient ça et là la présence des Maisons. Elles tentaient de déchirer l’obscurité, de mettre un peu de jour dans ces heures sombres. Les lueurs éclairaient faiblement les étages, jaunissant les colonnes qui soutenaient les frontons frappés des signes zodiacaux. A intervalles réguliers, elles marquaient la voie jusqu’au Palais du Grand Pope qui reflétait les flammes des braséros des gardes. C’était une montée lumineuse jusqu’au point culminant du Sanctuaire, un itinéraire de flammèches menant au temple de la divinité sous la surveillance bienveillante de l’horloge aux douze flammes vertes dansant dans la nuit.Le Capricorne fronça les sourcils. Dans cette succession lumineuse, la Maison des Poissons était la seule tâche sombre. Au douzième étage, l’obscurité était plus dense, plus palpable. Il n’y avait pas une seule lumière, pas la moindre bougie pour signaler sa présence. La douzième Maison était un trou noir, un sanctuaire dédié à la mort, un refuge de plaintes et de douleurs.El Cid soupira en entamant la montée. La mort de Lugonis était encore récente et son disciple devenu Chevalier des Poissons n’arrivait pas à l’intégrer. La Maison pleurait avec son propriétaire, se complaisait dans l’ombre et fuyait la lumière.Quelle ne fut pas sa surprise, à la sortie de la Maison du Bélier, lorsqu’il constata que la douzième Maison brillait de mille feux. Elle étincelait, concurrençant le Palais, reléguant la demeure du Grand Pope au rang de simple flammèche. Les lumières dansaient sur les colonnes, embrasaient les chapiteaux. Les flammes montaient jusqu’au fronton, faisant ressortir les contours du totem. Comment ? Comment les murs, la terrasse pouvaient-ils générer autant de lumière ? Que se passait-il ? La Maison d’Albafica était-elle devenue la proie des flammes ?Ce n’est qu’en arrivant au pied des escaliers menant au douzième étage qu’El Cid comprit. Des rosiers, des centaines de tiges s’entrelaçaient et grimpaient sur les murets, la façade. Chaque croisement s’était transformé en niche pour une bougie. Les roses veillaient à ce que le vent n’éteigne pas les flammes, protégeant de leurs pétales la lumière. Les ombres des feuilles et des fleurs dansaient lentement sur le marbre, se laissant porter par le léger vent d’un octobre mourant.Prenant soin de ne pas écraser les rosiers, El Cid s’avança vers l’entrée de la Maison. Ecartant doucement les tiges et les feuilles, il se mit à la recherche d’Albafica dans l’antre végétale.